Il y a peu de temps, pendant un atelier, on m’a demandé si je proposais du « cuir végétal ». Et puis souvent, j’entends le terme « daim » évoqué pour parler de croûte de cuir. Je me suis alors dit qu’un article pour éclaircir certains amalgames courants au sujet de cette matière finalement peu connue pourrait être utile…
Amalgame n°1 : le « cuir végétal »
Le terme « cuir végétal » est souvent utilisé par tout un chacun pour désigner les « cuirs vegan » (ou « cuirs végétaux »). Or, dans le domaine de la maroquinerie, « cuir végétal » est une abréviation pour désigner le « cuir à tannage végétal », ce qui est bien différent.
Le cuir « à tannage végétal »
Le tannage est une des étapes du procédé de fabrication du cuir, et consiste, grâce à des agents tannants, à transformer la matière peau (hydratée et putrescible) en matière cuir (peu hydratée, putrescible et résistante).
Il existe différents types de tannages du cuir, dont les principaux sont le tannage au chrome (minéral) et le tannage aux extraits de végétaux (mélange d’écorces, feuilles ou racines). Il existe également d’autres tannages minéraux ainsi que des tannages synthétiques, moins utilisés.
Dans le milieu du cuir, l’appellation courante « cuir végétal » désigne donc un cuir tanné grâce à des agents tanins végétaux.
Les cuirs à tannage végétal ont la particularité de se patiner avec le temps. Ils sont souvent plus rigides que les cuirs à tannage minéral.
Cuir à tannage végétal (crédit : Creative commons attribution) et Cuir à tannage minéral
Les simili-cuirs végétaux
Car il s’agit bien là de simili, le terme de « cuir vegan » étant un non-sens puisque le mot « cuir » désigne un matériau issu d’une peau animale. Cependant, il ne faut pas non plus les confondre avec les simili-cuirs synthétiques (fabriqués à base de plastique).
Ces matières peuvent être issues de champignons, de feuilles de bananier, ou d’ananas. A la suite d’un procédé de transformation chimique (là aussi), on obtiendra une matière visuellement similaire à du cuir. Ces matériaux n’ont cependant pas les mêmes caractéristiques mécaniques que le cuir.
Photos 1&2 : ©Piñatex (à base d'ananas) et photo 3 : ©Muskin (à base de champignon - crédit @Jaap de Wit)
Amalgame n°2 : le « daim » (et les différences entre « nubuck », « cuir velours », et « croûte de cuir »)
On entend souvent parler de « daim » pour désigner la famille des cuirs « d’aspect velouteux ». Or ce terme ne correspond à rien : les cuirs ne proviennent pas de cet animal, et il existe plusieurs types de cuirs « d’aspect velouteux » ayant des caractéristiques différentes, et leur appellation propre :
Le nubuck
Il résulte d’un cuir dont ont a poncé finement la fleur (la face « endroit » du cuir). Le ponçage est superficiel de sorte que ce cuir garde toutes ses propriétés mécaniques. Il s’agit par ailleurs de peaux qualitatives, ayant peu de défauts, car ceux-ci seraient très visibles !
Le cuir velours
Il s’agit d’un cuir dont la fleur (l’« endroit » donc, si vous avez tout bien suivi !) présente des défauts importants et dont le tanneur choisi de valoriser la chair (la face « envers »). La peau est donc utilisé à l’envers ! Cependant, le cuir velours garde lui aussi toutes les propriétés mécaniques d’un cuir.
La croûte velours / croûte de cuir
Il s’agit d’une peau dont on a retiré la fleur (la partie supérieure du derme – l’épiderme étant retiré lors des étapes de fabrication du cuir). Il n’en reste donc que la partie inférieure, également poncée pour obtenir un aspect velouteux plus fin. Ces cuirs ont des tenues mécaniques plus faibles que les autres, du fait d’absence de fleur.
Photos : Sacs La fabrique Caméléon réalisés en croûte de cuir.
Amalgame n° 3 : le cuir n’est pas un tissu
Également entendu lors de mes ateliers : le cuir n’a rien à voir avec un tissu qui par définition, est tissé. Outre l’aspect, la composition et les propriétés mécaniques du cuir et du tissu n’ont donc absolument rien à voir.
Amalgame n°4 : la « peau de chamois »
On appelle couramment « peau de chamois », une croûte de mouton tanné grâce à des huiles de poissons (foie de morue). Rien à voir donc avec le chamois. Ce cuir très particulier, appelé aussi « cuir chamoisé », a la particularité d’être résistant au lavage, d’où son utilisation particulière (médical, sport etc.)
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Principale source de l’article : livre « le cuir dans tous ses états » - les indispensables du CTC
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